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IUScholarWorks Journals
08.03.21, Heller, Fashion

08.03.21, Heller, Fashion


L'auteur de cette étude nous prévient d'entrée de jeu: cet ouvrage sur la mode ne s'accompagnera d'aucune illustration. C'est àtravers les mots--et les sensibilités qu'ils évoquent--que Sarah-Grace Heller se propose de démontrer l'existence d'un véritable système de la mode. Celui-ci se serait développé simultanément au niveau visuel et conceptuel dès la fin du XIIe et principalement au XIIIe siècle, làoù les historiens du costume en situent l'émergence vers le milieu du XIVe seulement.

La démarche se situant dans le domaine de l'expression verbale, l'érudite interroge en quelque sept chapitres, eux-mêmes fractionnés en de nombreuses sections, un certain nombre d'oeuvres littéraires courtoises, tant en franais qu'en occitan. Se trouvent privilégiés sous ce rapport, dans l'ordre de leur fréquence: le Roman de la Rose, Flamenca, Guillaume de Dole, Jehan et Blonde, Amadas et Ydoine. De nombreux aspects de l'art du paraître sont abordés successivement: l'avènement (ou la prise de conscience) d'un système, la recherche parfois effrénée de la nouveauté et de l'originalité qui se manifeste même dans l'"uniforme" du chevalier), les résistances àla volonté d'ostentation et aux courants novateurs en général, le lexique, notamment les qualificatifs valorisants (avec une précieuse analyse de la constellation polysémique de cointe, de ses dérivés et antonymes, dans leurs différents contextes), les implications économiques et sociales, la dépense et les prix du costume et de la parure, leur achat, les normes de qualité, l'importance des accessoires etc.

Par endroits, S.-G. Heller fait appel àdes sources non littéraires, telles les ordonnances somptuaires, visant àréprimer certaines outrances vestimentaires (l'érudite a étudié ailleurs cette réglementation). Les livres et rôles de la taille permettent, eux, de se faire une idée du nombre d'artisans et de métiers spécialisés àParis au XIIIe siècle. Reste àsavoir si l'information que recèlent ces documents essentiellement urbains correspondent àla 'réalité' des romans courtois; cette confontation n'a pas été envisagée.

L'ensemble se caractérise par la richesse des observations; les digressions et anekdotes (littéraires) abondent. On apprend beaucoup àleur lecture, même si le chercheur pressé regrettera que les intertitres ne tiennent pas toujours leurs promesses. Il est vrai que le sujet est vaste et protéiforme, comme en témoigne encore la bibliographie finale.