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06.01.14, Vassilaki, ed., Images of the Mother of God

06.01.14, Vassilaki, ed., Images of the Mother of God


Ce livre, richement illustré, contient les actes d'un colloque qui s'est tenu en marge de la grande exposition d'Athènes en 2000, qui avait déjà donnée lieu à la publication d'un important catalogue (Maria Vassilaki, Mother of God. Representations of the Virgin in Byzantine Art, Athens, Benaki Museum, Milan -- Athènes 2000), renfermant non seulement des notices d'objets, mais une série d'études sur la Théotokos. C'est encore une fois M. Vassilaki qui a été à l'origine de ce colloque et qui en a assuré l'édition. Le résultat en est particulièrement satisfaisant.

Le sujet, suffisamment vaste et l'absence de toute synthèse sur la Théotokos, depuis plus d'un siècle, font que ces deux volumes se complètent et ne se répètent pas l'un l'autre. Ce sont 27 textes qui sont publiés ici sur des thèmes variés, offrant une approche pluridisciplinaire pour l'étude de la Théotokos. Pour plus de clarté, ces études sont réparties en cinq grandes parties, "Early Cult and Representations" qui contient des études portant sur la Théotokos jusqu'à l'iconoclasme; "The Theology of the Theotokos," dont le titre est clair, mais dont la séparation avec la partie IV "Public and Private Cult" n'est pas toujours évidente. L'unité de la parties III, "Female Authority and Devotion" apparaî t plus clairement, mê me si l'un des textes qui y figure (R. Cormack, "The Eyes of the Mother of God") ne concerne pas précisément la dévotion féminine. La partie V, "Between East and West," correspond bien à ce que son titre indique.

Dans un volume de cette nature, il y a nécessairement des articles plus importants que d'autres, ou, du moins qui paraissent plus importants au recenseur ou qui lui parlent davantage. Cela n'enlève rien à l'intérê t du volume et il n'est pas possible de discuter en détail toutes les questions posées par ces contributions, ni mê me les citer toutes. Le choix que je fais dans les lignes qui suivent est tout à fait subjectif ; il correspond essentiellement à mes centres d'intérê t et n'implique aucun jugement négatif sur les articles qui ne sont pas expressément cités.

J'ai évidemment été particulièrement intéressé par les deux premières contributions qui correspondent à des thèmes que j'ai eu l'occasion d'aborder récemment, d'abord celle de Th. F. Mathews, "Isis and Mary in Early Icons," (3-11). L'auteur y développe un thème qu'il avait déjà esquissé dans la deuxième édition de son "Clash of Gods," où il essayait de démontrer que l'icône, en donnant à ce mot le sens précis de panneau peint sur lequel figurent des divinités ou des personnages saints ou sacrés auxquels on adresse des prières, n'est pas une invention chrétienne. Les exemples qu'il avait déjà donnés étaient convaincants; leur nombre, en particulier en ce qui concerne les représentations d'Isis, s'est considérablement agrandi grâce à une recherche systématique. Cette continuité, et là je me sépare de lui, n'entraî ne pas nécessairement la continuité dans les personnes représentées. Je reste persuadé, et j'essaierai de le montrer ailleurs, que la Théotokos n'a pu ê tre représentée sous une forme proche de celle d'Isis que parce qu'une rupture était intervenue, qui masquait la continuité. Mais cette question est certainement trop complexe pour permettre des réponses simplistes par oui ou par non, comme le montre la contribution d'E. S. Bolman, "The Enigmatic Coptic Galaktotrophousa," (13-22), où l'auteur renouvelle complètement l'interprétation de cette image célèbre, en la rattachant certes à une ancienne tradition égyptienne, mais qui en fait tout autre chose qu'une image exaltant la maternité et la relation entre la mère et l'enfant. Elle note que cette image est attestée essentiellement, sinon uniquement dans le milieu monastique masculin. L'Enfant ne se nourrit pas du lait de sa mère, mais de la parole de Dieu et, en dernier ressort, la Galaktotrophousa est une métaphore de l'Eucharistie.

G. Wolf nous entraî ne sur un terrain plus connu en faisant un point utile sur les cinq anciennes icônes de la Vierge à Rome dont l'histoire reste obscure, "Icons and Sites. Cult Images of the Virgin in Medieval Rome," (23-49). "Ignoramus et ignorabimus" conclut-il, bien que son article mette en évidence les limites de notre ignorance. Il suggère que la consécration du Panthéon, dans un temps particulièrement difficile pour Rome, est un moment essentiel dans la le développement du culte de la Vierge à Rome.

Quelques contributions sont consacrés à des textes qui parlent de la Théotokos, que ce soit dans l'hymnographie (Ch. Hannick, "The Theotokos in Byzantine Hymnography:Typology and Allegory," [69-76]), dans la poésie (N. Tsironis, "From Poetry to Liturgy: the Cult of the Virgin in the Middle Byzantine Era," [91-102]). Dans la meme série on trouve une tentative intéressante de l'utilisation d'images de la Vierge dans la vie politique (N. Koutrakou, "Use and Abuse of the 'Image' of the Theotokos in the Political Life of Byzantium [with special reference to the iconoclast period]," [77-89]). J'en retiens en particulier le cheminement que montre N. Tsironis de thèmes qui apparaissent dans des textes littéraires avant de trouver leur traduction dans l'iconographie et d'ê tre finalement acceptés dans la liturgie. Un livre, écrit il y a un peu plus de vingt ans, allait déjà dans la mê me direction (H. Maguire, Art and Eloquence, [Princeton, 1981] qui est d'ailleurs cité dans l'article). Le thème de la tendresse entre la Mère et l'Enfant est repris et développé dans une autre direction par I. Kalavrezou, "Exchanging Embrace. The Body of Salvation," (103-115). Celle-ci établit un parallèle entre la Vierge de tendresse et le développement des représentations du thrène, mais elle établit surtout un parallèle audacieux, mais très intéressant entre la position des jambes de la Vierge dans le thrène de Nerezi et celles de Rebecca, quand, dans le ms gr 747 de la Bibliothèque Vaticane, f. 46v, celle-ci est représentée en train d'accoucher. I. Kalavrezou y voit une image de la mort comme naissance; cette métaphore est évidemment plus explicite, comme elle le montre aussi, dans le thème bien connu de l'âme de la Vierge représentée comme un petit enfant dans la Dormition ou dans d'autres images où l'âme, sous forme d'un enfant quitte le corps au moment de la mort.

L'article de L. James, "The Empress and the Virgin in early Byzantium, p. 145-152, est important en particulier par son aspect méthodologique. L'auteur met en garde, en s'appuyant sur des exemples précis et parlants, contre la tentation d'associer trop étroitement les impératrices et la dévotion à la Vierge. Elle montre à la fois la place qu'occupe la Vierge comme objet de dévotion pour les empereurs et le fait que la Vierge n'occupe pas une place privilégiée pour les impératrices, si on mesure leur dévotion à l'aune des fondations pieuses qu'on leur connaî t. Mais que cette question ne permet pas une réponse simple est montrée dans l'article de A. Weyl Carr (voir ci- dessous) qui, au contraire, p. 281, attire l'attention sur l'utilisation de l'image de la Vierge par Zoé et Théodora. De toute manière, ceci n'exclut pas, comme le montre B. Pitarakis ("Female Piety in Context:Understanding Developments in Private Devotional Practices," [153-166]) l'existence d'une dévotion féminine privée envers la Vierge pour tout ce qui concerne les sujets propres des soucis féminins, fécondité, naissance, santé des enfants. Cette conclusion est atteinte à travers la prise en compte de petits objets, parfois très modestes, permettant d'atteindre le niveau de la dévotion privée au plus près des préoccupations quotidiennes (voir aussi, à ce sujet, le commentaire sur les yeux destinés à détourner le mauvais oeil et placés sur le pourtour de la caverne de la Nativité à l'Omorphi Ekklèsia d'égine (V. Foskolou, "The Virgin, the Christ-Child and the Evil Eye," [251-262]). On retrouve la mê me visée pour une période plus ancienne et à travers des objets un peu différents dans la contribution de H. Maguire, "Byzantine Domestic Art as Evidence for the Early Cult of the Virgin," (183-193). Ses conclusions sont importantes, car elles confirment ce que d'autres études laissent soupçonner, à savoir que le développement du culte de la Vierge est lent et que ce n'est qu'au VIe siècle qu'il a l'air de se répandre plus largement dans la sphère privée -- chez les hommes d'ailleurs aussi bien que chez les femmes. H. Maguire souligne bien que ces conclusions doivent ê tre considérées comme provisoires dans la mesure où le matériel qui les permet est encore trop souvent mal publié et inaccessible, de plus, daté de manière souvent imprécise quand il est connu; elles doivent néanmoins ê tre considérées avec attention et contribuent à repenser le rôle de Proclus et, davantage encore, celui de Pulchérie. Il rejoint d'ailleurs par là une remarque faite par L. James dans l'article signalé ci-dessus.

Deux articles sont consacrés à l'image de la Vierge dite Zoodochos Pègè sur laquelle le dernier mot n'a sans doute pas encore été dit et sur laquelle un trop long commentaire serait nécessaire. Je ne suis pas sûr que la clef de l'image de la Zoodochos Pègè soit à trouver dans sa ressemblance avec les images identifiées comme venant du monastère des Blachernes, comme semble le montrer N. Teteriatnikov, "The Image of the Virgin Zoodochos Pege: Two Questions Concerning Its Origin," (225-238). Une distinction plus rigoureuse me semble nécessaire entre les différentes manières dont l'Enfant est représenté devant sa mère. Que l'image montre l'Incarnation est une banalité; c'est le cas de toutes les images de la Vierge avec l'Enfant . Il me semble que cette appellation devrait ê tre réservée aux cas où l'Enfant, à mi-corps semble surgir d'un pli du manteau de la Vierge ou d'une coupe, la fontaine proprement dite n'apparaissant que plus tard, mê me si le caractère peu systématique de l'utilisation de ces épithètes fait problème (voir par exemple la Zoodochos Pègè de Kariye Camii). Les fresques de Mistra, comme le montre R. Etzeoglou, "The Cult of the Virgin Zoodochos Pege at Mistra," (239-249), fournissent un point de départ intéressant pour l'étude de cette iconographie.

Le volume se termine par une série de passionnants articles sur les relations entre Occident et Orient. A. Weyl Carr, "Thoughts on Mary East and West," (277-292), pose une série de questions à commencer par celle, essentielle, qui est de marquer la difficulté de définir où commence l'Orient, à Rome selon certains critères, au-delà de Constantinople selon d'autres. Ce travail est certainement à lire par tous ceux qui veulent se préoccuper des relations entre le monde byzantin et les Croisés dans une perspective complexe de relations interculturelles et qui ne se satisfont pas des réponses traditionnelles, que l'on sait maintenant trop schématiques. Cette relation complexe est aussi montrée, pour l'exemple de l'Hodègètria, dans la contribution de M. Bacci, "The Legacy of the Hodigetria: Holy Icons and Legends Between East and West," (321-336), qui pousse l'enquê te jusqu'au XVIIe siècle, un exemple de plus qui montre la présence de Byzance au coeur mê me de l'Europe moderne.

C'est un beau et passionnant livre qui devrait donner l'impulsion à de nouvelles études sur la Théotokos en attendant non pas une, car le sujet est décidément trop vastes, mais plusieurs synthèses qui ne sont sans doute pas pour tout de suite.