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06.08.07, Jones, ed., Bertrand du Guesclin

06.08.07, Jones, ed., Bertrand du Guesclin


Avec ce volume, Michael Jones offre aux historiens de la fin du XIVe siècle, un outil de recherche et de travail extraordinaire tant par la qualité de la présentation que par la quantité des sources réunies. Après avoir fait le tour de plus de cinquante dépôts d'archives, en France aussi bien qu'en Espagne, en Belgique, en Angleterre et en Italie, l'auteur met à la dispositions des chercheurs l'ensemble des sources disponibles témoignant de la vie et de l'activité de Bertrand du Guesclin, l'un des hommes de guerre les plus marquants de son époque. Sont donc réunis ici les témoins diplomatiques, économiques et administratifs de la vie de Du Guesclin. Il en sort une image réelle, riche et foisonnante de cet homme fascinant par l'ampleur de ses activités, au service de la cause bretonne d'abord, puis en Espagne et enfin au service du roi Charles V.

La vie de Bertrand du Guesclin n'a pas manqué d'historiens et d'interprètes pour la célébrer. Dès le XIVe siècle parut une vie en vers, due à la plume de Jean Cuvelier. Au XVIIe siècle, Hay du Chastelet s'intéressa pour sa part aux témoins diplomatiques et administratifs de l'activité du Connétable de France. Cependant, c'est au XIXe siècle que des études véritablement critiques virent le jour et l'auteur rend justement hommage à l'ouvrage pionnier de Siméon Luce qui, avec les moyens dont il disposait alors, consulta toutes les pièces disponibles. Le travail de Luce fut stoppée par son décès en 1893 mais heureusement Roland Delachenal continua l'oeuvre de Luce en consultant, en particulier les archives espagnoles, les chroniqueurs et les archives de la couronne d'Aragon, particulièrement importantes pour la période allant de 1365 à 1370. Le travail accompli par Jones permet d'aller plus loin encore en faisant connaître des documents de nature administrative et financière qui n'avaient pu, jusqu'ici, être pris en compte dans l'analyse de la carrière de Du Guesclin.

Les documents ne permettent pas de lever le voile sur la jeunesse de Du Guesclin. Ce sont ses grandes qualités de guerrier qui attirèrent l'attention sur lui, vers 1350, à un Ége déjà respectable de 27 ans puisqu'il était né en 1323. à partir de là, la documentation commence à être plus fournie. L'année 1357 et le siège de Rennes marquèrent le véritable tournant de sa carrière. Cette édition commence donc à ce moment là et nous mène jusqu'à la date de sa mort en 1380. Les premières années, de 1358 à 1370, partagées entre un service au nord de la France et en Bretagne, sont inégalement documentées. Bien que presque toute la documentation sur cette période avait été défrichée par Siméon Luce et qu'elle est par conséquent assez bien connue, Jones apporte de précieux compléments d'information en particulier du côté des sources espagnoles. L'aventure espagnole de Du Guesclin commence en 1365 à la demande de Charles V au moment de la guerre civile entre Pierre le Cruel et son frère Henri de Trastamare. Guerroyant du côté de Trastamare, Du Guesclin commenÍa dès lors à accumuler les seigneuries espagnoles, d'abord le duché de Trastamare puis le comté de Borja, à quoi vint s'ajouter le duché de Molina. C'est donc couvert de gloire qu'il revint en France, en 1370 à la demande de Charles V.

Dès lors, sa carrière prit un tour nouveau puisqu'il fut fait connétable de France. Il devait passer les dix dernières années de sa vie à ferrailler pour le roi de France, particulièrement mais non exclusivement en Normandie, dans le Maine, l'Anjou et la vallée de la Loire. Il joua un rôle capital dans la reconquête des biens ayant appartenu à Charles de Navarre en Normandie.

De cette période Jones permet l'accès à des documents capitaux, en particulier des lettres de rémissions qui sont ici éditées pour la première fois. L'homme que nous décrivent les sources n'est pas simplement un guerrier, habile tacticien et grand stratège mais également un véritable homme d'état faisant preuve, en particulier dans les affaires bretonnes, d'un véritable jugement politique. Sévèrement critiqué pour avoir laissé le duc de Bretagne Jean IV se réinstaller à la tête du duché, Du Guesclin est ici présenté au contraire comme celui qui ouvrit la voie à un règlement négocié de la situation bretonne (p. xxxi). Riches de renseignements pour l'histoire sociale, ces documents le sont également pour illuminer certains aspects de la vie personnelle de Du Guesclin, de ses relations avec ses deux épouses, ses frères et sa soeur, ses domestiques. Ils permettent de suivre l'évolution de sa fortune, celle de ses acquisitions territoriales même si, sauf pour un compte de sa seigneurie de Sens, l'administration de ces nombreuses possessions soit laissée dans l'ombre. C'est le fil de cette vie qui se déploie sous les yeux du lecteur de ce recueil.

Les actes sont présentés avec toute la rigueur des règles de la diplomatique. L'auteur a suivi avec bonheur les directives de l'école des chartes pour l'édition de textes médiévaux. Il analyse le mode de production des actes du connétable, l'organisation de son secrétariat, les pratiques de signature et d'authentification des documents, les styles (il y en a 26 différents) d'identification, les treize sceaux utilisés par la chancellerie du connétable. L'auteur a produit un itinéraire des allées et venues de Du Guesclin en se basant sur les dates des documents. Une carte aurait complété heureusement ce travail. Chacun des actes est précédé des indications nécessaires dans une telle édition. Tous ceux qui sont de Du Guesclin lui-même sont édités. Ceux qui le concernent mais qui émanent d'une autre autorité sont, soit simplement présentés soit, lorsqu'il y a des éditions existantes, partiellement reproduits dans une police de caractère différent de l'édition des actes de Du Guesclin lui-même. Ce choix éditorial permet de distinguer rapidement les actes essentiels des documents secondaires mais non moins importants par les informations qu'ils donnent. Tous les événements de la vie de Du Guesclin, tous ses faits et gestes sont donc fidèlement rapportés. Chaque acte, lorsque cela est possible, est accompagné d'une bibliographie le concernant. De même, des indications codicologiques (état du manuscrit, etc.) sont fournies là oý elles se présentent. Les documents aujourd'hui perdus mais connus par des éditions antérieures sont également présentés.

On trouvera également les documents relatifs au testament et à la succession de Du Guesclin. Enfin de riches annexes fournissent les noms des chevaliers et écuyers qui ont fait partie de la suite de Du Guesclin de 1370 à 1371, l'état de compte de l'année 1373-1374 pour ses terres de Sens. Une riche bibliographie et les index des noms de personnes, des lieux et des sujets complètent cet ouvrage monumental